Poser une caméra, prendre le temps de regarder, de capturer un échange, assembler bout à bout des séquences qui formeront un film : c’est le travail accompli par Nicolas Philibert pour De chaque instant, son documentaire sur l’apprentissage du métier d’infirmier.ère. Le tournage s’est déroulé à l’IFPS Croix-Simon (Institut de formation paramédicale et sociale) de Montreuil (93).
Ces derniers temps, à force de voir le métier d'infirmier au travers du prisme des difficultés qu’il rencontre, on en oublie parfois sa substance. Au quotidien un infirmier est un professionnel qui prend soin des personnes vulnérables car souvent en souffrance. Avec ce documentaire Nicolas Philibert se concentre sur la relation humaine, celle que l’élève entretient avec ses formateurs, celle qu’il découvre avec ses premiers patients. S’y succèdent des moments de rires et d’étonnement mais aussi des doutes sur les difficultés découvertes.
Le film est divisé en trois chapitres. Le premier se déroule dans les salles de classe. Parfois drôle et plutôt instructif, il rappelle les fondamentaux du métier : tout le monde doit être soigné de la même façon, quels que soient son origine, son statut social ou son âge. Dans le second chapitre, on suit les étudiants en stage, on assiste aux premiers gestes maladroits que les patients acceptent – parfois aussi peu rassurés que les élèves ! Le troisième volet est celui des conclusions. Succession d’entretiens entre les élèves et leurs maîtres de stage, au cours desquels ils évoquent avec enthousiasme ou détresse parfois, les différentes facettes de leur expérience sur le terrain.
J’ai eu la chance d’assister à une projection en présence du réalisateur, venu échanger avec la salle à la fin du film. Ce film est bienveillant et son réalisateur ne l’est pas moins. Aucun voyeurisme, aucune intention de faire du sensationnel pour la télévision. C’est un portrait mosaïque sur un groupe en devenir. Si le sujet du durcissement des conditions de travail n’y est qu’évoqué, c’est aussi parce que « un film est forcément partiel (…). Il y a un tas de choses que je n’ai pas pu filmer, dans la deuxième partie notamment, comment il faut aller de plus en plus vite, les pressions qui pèsent sur l’hôpital, sur les institutions de soins, les pressions économiques.* ». Nicolas Philibert n’a pas cherché à édulcorer le propos puisque cette difficulté est évoquée plusieurs fois par certains élèves dans le troisième volet du film. Il semble évident que les services qui vont mal n’ont pas souhaité être filmés.
Les protagonistes – qui ont vu le film en premier – sont nombreux à se reconnaître dans ce portrait croisé. Ils racontent même avoir été contents d’entendre de la part d’autres élèves des mots pour décrire des situations qu’ils avaient vécus eux-mêmes mais qu’ils n’arrivaient pas à décrire. « Finalement les réactions étaient assez peu autocentrées.*» souligne Nicolas Philibert. Réaction presque normale d’une profession tournée vers les autres….
Dans la salle, quelques enseignants d’écoles d’infirmiers qui saluent un film plutôt positif sur le métier. Dans la salle, des infirmières aussi, en activité depuis de nombreuses années qui racontent leur mal-être grandissant, leur incapacité à rentrer le soir chez elles avec le sentiment d’une mission accomplie correctement. Dans la salle, une représentante de chez Linet confortée par la nécessité de comprendre ce métier pour mieux l'aider.
*Propos recueillis au cinéma des Studio à Tours - 31/08/18.
2 Comments
Merci d’avoir pris le temps de braquer les projecteurs sur cette profession en difficulté et ces élèves qui relèvent ce défi par conviction et humanité.
Comment ne pas avoir envie d’aller découvrir ce documentaire après avoir lu cet article. Un très beau message pour ce métier éprouvant et si peu souvent valorisé.